Maintenant que nous en savons un peu plus sur la bioluminescence dans la nature, son rôle et son fonctionnement, il est temps d'enquêter sur sa possible utilisation en guise d'éclairage.
A- La source GloweeA force de recherches, nous avons découvert l'existence d'une entreprise française, Glowee, qui est actuellement en train de développer une source d’éclairage bioluminescente. Nous avons pris l’initiative de les contacter pour en savoir plus sur ce projet, pour mener à bien notre enquête. Nous les avons rencontrés à Paris lors de l’inauguration de leur salle de relaxation bioluminescente, la Glowzen Room. Nous avons tout d'abord eu la chance de pouvoir interviewer Luc Vidal, responsable événementiel de la start-up, pour en apprendre un peu plus sur leurs produits. Puis, grâce à la sollicitude de l’équipe, nous avons pu réaliser deux mesures sur la source de la Glowzen Room ; une de spectre, et une de luminance, dont nous traiterons en troisième partie.

Depuis quelques années, Glowee développe en parallèle deux types de sources bioluminescentes : une «liquide» et une «solide». La lumière est produite par des bactéries, les E.Coli, une espèce inoffensive, présente par exemple dans notre système digestif. En laboratoire, les expérimentations se placent à 0 sur l'échelle pathogène-allergène. Les bactéries ont été génétiquement modifiées par l’ajout de gènes issus de six espèces de calamars abyssaux différentes. Ces calamars sont naturellement bioluminescents ; ils hébergent des bactéries bioluminescentes, et produisent de la lumière par symbiose. Ce gène bioluminescent présent dans les bactéries est trouvable dans des banques d’ADN. On insère ce gène par transgénèse dans les E.coli.
La technique solidePour la technique solide, les bactéries sont présentes en fine couche gélifiée au fond d’une petite boîte rectangulaire, peu épaisse (deux centimètres environ). Ces petites boîte ont malheureusement une durée de vie limitée ; environ six jours. Les bactéries sont mises en culture dans un gel, et sous l’action d’arabinose, elles entrent dans une phase de « montée », qui dure quelques heures. Elles entrent ensuite en survie ; la quantité de nutriments fournie au début est insuffisante pour qu’elles puissent se reproduire. Les bactéries finissent donc par mourir peu à peu, faute d’oxygène et de nutriments. Nous avons pu prendre en main ces petites boîtes dans la Glowzen Room ; plusieurs avaient été mises à notre disposition.
Les applications de cette technique ? - L'illumination dans l’événementiel (conte de sensibilisation pour enfants bioluminescent...)
La technique liquidePour la technique liquide, les bactéries sont mises en solution, avec des nutriments liquides et de l’air, dans un tube. Un agitateur permet de brasser le mélange en continu, et d'apporter de l'air, paramètre nécessaire à la réaction bioluminescente. Les bactéries prolifèrent et se renouvellent tant qu’on leur apporte des nutriments. Les bactéries mortes, moins denses que la solution, remontent à la surface et sont évacuées par un tube. C’est sur cet appareil que nous avons pu effectuer nos mesures.
Les applications de cette technique ? - L'illumination urbaine (vitrines de magasins, panneaux de signalisation)
- La relaxation (spas et hôtellerie)
Les domaines d'application avancés par Glowee (deux techniques confondues) :
Crédit : Glowee
B- Qu'est-ce que la transgenèse ?Nous avons appris auprès de Glowee que les bactéries présentes dans leurs sources étaient génétiquement modifiées, en leur insérant un gène bioluminescent, par transgénèse. Il nous a donc paru intéressant de développer un peu plus sur cette technique de transgénèse.
1- D'un point de vue généralLa transgénèse est une technique de biologie moléculaire qui consiste à transformer le génome d’un organisme receveur en y insérant un gène qu’il ne possède pas naturellement.
C’est une technique du génie génétique. Le génie génétique désigne l’ensemble des outils et des techniques de la biologie moléculaire permettant, de manière contrôlée, l’étude de la modification des gènes, dans un but de recherche fondamentale ou appliquée. On obtient alors un OGM (Organisme Génétiquement Modifié). Ainsi, un OGM est un organisme dont le génome a été artificiellement modifié selon les techniques du génie génétique pour lui conférer une nouvelle propriété. Les gènes peuvent être isolés, clonés, découpés, modifiés, ou encore réimplantés dans un autre organisme. C’est le cas de la transgénèse. La transgénèse est possible grâce à l’universalité de l’ADN et du code génétique : en effet, l’ADN est une molécule universelle, c’est-à-dire qu’elle a le même type de codage chez n’importe quel type d’êtres vivants, l’organisme receveur peut donc utiliser l’ADN transféré comme le sien. Les expériences de transgénèse sont réalisées en laboratoire et sont évidemment interdites chez l’homme pour des raisons éthiques. D’un point de vue historique, la première transgénèse eut lieu en 1971, lorsque le chercheur américain Paul Berg introduisit un fragment d’ADN du virus SV 40 dans la bactérie Escherichia coli. Depuis, les progrès dans ce domaine ont été considérables, la première souris transgénique a vu le jour en 1980. De nos jours, les applications de la transgénèse sont nombreuses et variées : cette technique est aussi bien utilisée pour l’agronomie et l’amélioration des qualités alimentaires que pour l’environnement, l’industrie ou la santé.
Pour être réussie la transgénèse nécessite :- la pénétration du transgène dans les cellules cibles
- son intégration dans le génome
- son aptitude à s’exprimer dans les cellules
- la possibilité d’obtenir la régénération d’individus entiers à partir de cellules génétiquement modifiées.
La transgénèse comprend plusieurs étapes :- L'identification le “gène d’intérêt” c’est-à-dire le gène intéressant que l’on veut transférer dans un autre organisme vivant.
- L’isolement du gène d’intérêt
- La fabrication d’une construction génétique composée du gène d’intérêt, de séquences de régulation nécessaires à son expression dans l'organisme receveur (codon initiateur et codon stop) et de gène marqueur (pour vérifier à la fin de la manipulation les cellules ayant intégré la construction génétique).
- La multiplication de la construction génétique
- L’introduction du gène modifié dans les cellules receveuses par transfert direct (biolistique) ou naturel (agrobacterium)
- La régénération d’organisme à partir des cellules génétiquement modifiées
- La confirmation de la réussite de la transgénèse grâce au gène marqueur.
Un schéma pour mieux comprendre la transgénèse, ici d'un gène intéressant dans une plante, afin de créer un OGM plus performant :
2- Une expérience pour illustrer ce procédéPour illustrer concrètement ce procédé, nous avons décidé de réaliser une expérience de transgénèse d’un gène de méduse bioluminescent dans des levures. Nous avons ainsi commandé un kit pour cette expérience, et nous l’avons réalisée dans une des salles de travaux pratiques du lycée.
Le but de cette expérience est d’intégrer le gène GFP, codant la bioluminescence, extrait d’un spécimen de méduse Aequora Victoria dans une colonie de levures type Saccharomyces cerevisiae. On ensemence ces levures dans deux milieux différents. Dans le premier milieu, que l’on nomme YPD, dit « standard », on trouve de l’uracile, protéine nécessaire au développement des levures. Dans le second milieu, que l’on nomme URA-, cette protéine est absente. La préparation à ensemencer contient le gène GFP, auquel on a ajouté un gène codant la production d’uracile. Donc si la transgénèse est réussie, les levures seront non seulement bioluminescentes, mais aussi capable de produire leur propre uracile.
Le milieu YPD permet donc la survie de toutes les levures, qu’elles aient réussi à intégrer le gène ou non, tandis que le milieu URA- ne permet qu’aux levures devenues bioluminescentes, et par conséquent capable de produire leur propre uracile, de survivre.
Protocole : Etape 1 : préparation des milieux Test et Témoin pour les ensemencements des levures transformées :- Liquéfier les milieux YPD et URA- fournis en les mettant au four micro-onde (bouchons dévissés), vérifier toutes les 15-20s l’avancement de la liquéfaction, agiter manuellement pour homogénéiser.
- Couler le milieu dans les boîtes de pétri 55mm stériles.
- Laisser le milieu se solidifier à température ambiante pendant une vingtaine de minutes.
- Retourner les boîtes de pétri.
Etape 2 : préparation de la solution à ensemencer :- Avec une micropipette stérile, prélever une goutte d’ADN carrier (solution facilitant la transformation).
- Introduire la goutte dans le microtube.
- Répéter l’opération, en prélevant cette fois une goutte d’ADN plasmidique.
- Fermer le microtube, regrouper toutes les gouttes en tapant fermement le fond du microtube sur la paillasse (les gouttes doivent être bien rassemblées pour l’étape suivante)
- Prélever une colonie fraîche de 3-4mm de diamètre à l’aide d’un bâtonnet stérile dans la boîte de Pétri des cultures fraîches.
- Transférer cette colonie dans le microtube et homogénéiser avec le cure-dents en mélangeant vivement.
- Incuber le microtube (fermé) 30 minutes dans un bain-marie à 42°C
Etape 3 : ensemencement :- Une fois l’incubation terminée, étaler à l’aide d’un râteau une goutte du microtube de la solution d’ensemencement sur le milieu YPD (témoin).
- Répéter l’opération sur la boîte du milieu URA- (milieu sélectif des levures transformées)
- Incuber les boîtes de pétri à 30°C jusqu’à l’observation des transformants (3-4 jours)
-Visualiser l’efficacité de la transformation sous une lampe UV qui permet l’observation de la fluorescence de la protéine GFP
Réalisation de l’expérience :Pour le bon fonctionnement de cette expérience, il était nécessaire de travailler en milieu stérile. Nous l’avons donc réalisée à proximité d’une flamme.

Nous avons ensuite coulé les milieux YPD et URA- dans des boîtes de pétri. Nous en avons réalisé trois par milieu, pour plus de chances de réussite.

Une fois gélifiés, nous les avons retournées pour éviter toute condensation. Nous avons ensuite préparé la solution d’ensemencement.

Nous avons ensuite incubé le microtube, fermé, 30 minutes dans un bain-marie à 42°C. Munies d’un râteau stérile, nous avons étalé une goutte de la solution d’ensemencement sur chaque milieu, à la façon d’une crêpe. Pour finir, nous avons laissé les colonies se développer à 30°C dans un incubateur, pendant quatre jours.
Résultats de l’expérience :Après quatre jours d’incubation, les colonies ont proliféré. Pour observer les résultats de la transgénèse, il est nécessaire d’éclairer les boîtes de pétri sous une lampe UV.

On remarque, comme prévu, que dans le milieu YPD, toutes les levures ont survécu. Elles forment une sorte de bouillie, il est difficile de distinguer les levures ayant correctement intégré le gène. Toutefois, certaines sont bioluminescentes.

Dans le milieu URA-, les levures sont beaucoup moins nombreuses, et bien plus visibles. Elles sont toutes bioluminescentes et elles peuvent survivre dans un milieu dépourvu d’uracile ; elles ont donc bien intégré le gène.
Conclusion de l'expérience :La transgénèse est un succès, nous avons donc réussi à travailler en milieu stérile.